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Exodus: deLeonard Howell à Marcus Garvey

Et l’Eternel dit à Moïse : va vers Pharaon et tu lui diras, ainsi parle l’Eternel, laisse mon Peuple partir !

Quelque part entre les ports de la Kingston, de la Barbade ou de Floride, des hordes de matelots quittant leurs îles gorgées de soleil et d’esclaves appareillaient pour des voyages au long cours. Car telles était la tâche : porter et supporter des marchandises du nouveau monde pour faire carrière dans la marine marchandes. En s’arrêtant à Harlem, Mecque des nouveaux nègres, les enfants des diasporas caribéennes du 19ème siècle, se rencontraient dans un brassage propice au questionnement de l’identité nègre. Cuba sort de l’esclavage, mais les Orishas convulsent encore, la ségrégation américaine est des plus féroces et la Jamaïque est un prisonnier ficelé, bâillonné.

Aux alentours des années 1920, Leonard Percival Howell, jeune matelot téméraire au fort accent jamaïcain rencontre Marcus Garvey montagne de livres et de panache.

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Cela fait plusieurs années déjà que Marcus Garvey a traversé la mer des Caraïbes, mais son ambition est bien plus monumentale, elle est de celles qui abattent les murs et humilient les rois, elle est de celles qui ouvrent les eaux pour le chemin du retour.

Né en 1887 dans la Jamaïque ségrégationniste, Marcus, fils de marrons, devient rapidement un curieux mélange de politicien chevronné et d’entrepreneur audacieux. D’abord employé chez un imprimeur, il ingurgite, boit, absorbe la substantifique moelle de la littérature à portée de main à Kingston. Capitalisme, Communisme, Impérialisme sont les avatars de ce siècle des « ismes ». Lénine, Trotsky, Ho Chi Minh et la Bible sont ses guides à travers le désert. Il participe à de nombreuses grèves dans le cadre de syndicats, devient journaliste et fonde le journal Garvey’s Watchman.

Garvey débarque aux Etats-Unis en 1916 avec le projet de réunir toutes les forces capitalistiques au service du rapatriement en terre promise du peuple errant. L’Afrique ! A coup de campagnes via son association UNIA United Negro Improvement Association, Garvey crée une compagnie maritime et invite la communauté noire à investir en tant qu’actionnaires en vue de l’achat d’une flottille d’arches aptes à traverser la grande mer atlantique.

En 1919 la Blackstar lines est créée. Un Dieu ! Un but ! Une destinée !

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Leonard Howell est de retour en Jamaïque en 1932. Cela fait trois ans alors que la Prophétie du révérend James Morris Webb s’est réalisée : celle d’un africain couronné, qui, tel un sombre messie, mènera le peuple des damnés de la terre vers la délivrance. Il commence alors à prêcher le retour d’un Dieu noir, d’un Dieu des Noirs, un Dieu dont le Ras Tafari Makonnen de l’Empire d’Ethiopie seul Etat ayant valeureusement repoussé le fléau colonial_ serait l’envoyé.

Howell fait alors de ses « ismes » préférés un grand syncrétisme ! Gandhisme, Marxisme et bientôt Tafarisme sont ses maîtres pensées. Il exhorte son peuple à se soumettre à l’autorité du descendant direct du Roi Salomon et de la Reine de Sabah : Haïlé Sélassié 1erA la mer le Roi d’Angleterre ! Edifié, mais non convaincu par son ami apôtre du retour, Marcus Garvey, Leonard Howell commence à bâtir sur son île natale une communauté imprégnée de culture indienne et africaine, fonctionnant en autarcie de la société jamaïcaine encore sous le joug de la couronne britannique.

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Après des années à défier le pouvoir fédéral américain, en montrant la force de frappe d’une communauté africaine-américaine réunie autour des projets communs de culture, d’éducation et de travail, Marcus Garvey subit la méfiance des autorités, la censure de son journal le Negro World, la prison et un nouvel exil, encore un, vers l’Angleterre.

Alors que Marcus Garvey, le Black Moses, meurt à Londres en 1940, la même année est fondé en Jamaïque le Pinnaclepremière communauté « Rasta » au monde et réunit bientôt un des centaines d’adeptes vivants des ressources de la terre et revendiquant l’indépendance matérielle et spirituelle. Le Gong, en maître spirituel de cette quête d’un nouveau mode de vie, passe son temps entre la prison et l’hôpital psychiatrique où les autorités insulaires tentent de contenir son influence auprès du peuple jamaïcain. Mais telle l’hydre, les tentatives de destruction par la police jamaïcaine de cette entreprise d’émancipation, ne sont que l’occasion de propager l’expérience du Pinnacle en une multitude de communautés similaires à travers l’île.

Léonard Howell meurt en 1981, trois mois avant un certain Robert Nesta Marley qui fit connaître l’ambition de Howell dans le monde entier en faisant du Rastafarisme un des derniers « isme » du 20ème siècle, dont les maîtres fondateurs auront fait une véritable philosophie de vie tourner vers les racine de l’Afrique.

Nous sommes Marcus Garvey.

Nous sommes Leonard Howell.

Que l’Afrique retienne le nom de ses héros.

Yovovi

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Auteur·e

njaone

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