Nous sommes le 31 Octobre 2014 au pays des hommes intègres. Ce jour-là, le peuple se lève. Depuis longtemps la colère grondait, le peuple se lamentait et les signes avant-coureurs d’une révolte étaient visibles. Les vicissitudes de la vie ne parvenaient pas à éteindre la sourde révolte qui se préparait. Les soubresauts de l’affaire Norbert Zongo, les émeutes de la faim, les mutineries étaient les prémices d’une probable révolution. Porté par une société civile active et organisée au sein du collectif «Balai citoyen», le peuple burkinabé se préparait à entrer dans l’histoire par la grande porte. Loin de l’inaction des fameux réseaux sociaux et de leur simulacre de révolution, c’est dans la rue que ce peuple va aller chercher et arracher le départ du maitre de Kossiam. Ce Pouvoir qu’on croyait immuable, inébranlable a lui aussi chuté.
L’inefficacité de la révolte 2.0
De l’autre côté de la frontière, sur la terre d’Eburnie, le peuple lui aussi gronde, mais reste faible, inactif et subit l’émergence à marche forcée. De loin, il regarde les exilés politiques mourir ; de loin il compte le nombre de jours de prison de nombreux anonymes. Son quotidien lui ne s’améliore pas, les kilomètres de bitume n’auront rien changé, l’émergence reste un luxe qui ne se partage pas. Face à cette situation, le peuple d’Eburnie pense avoir trouvé la voie : pour l’Ivoirien la révolution sera numérique. Les pétitions se suivent, les hashtag se succèdent, les statuts de contestation se multiplient, les vidéos s’enchaînent, en vain.
Le pouvoir lui ne craint pas un peuple qui ne sait plus se battre pour ses droits, les mesures gouvernementales plus injustes les unes que les autres s’égrainent dans le silence désarmant d’un peuple qui semble avoir perdu son courage. Internet est devenu le mur de ses lamentations, mais aussi le symbole de sa faiblesse.
Une contestation en manque de leadership
La démission des élites ne se discute plus. Trop peureuses, trop frileuses, elles ont choisi leur camp. Elles refusent tout positionnement critique, tout effort de réflexion lui semble désormais dangereux. Elles refusent de prendre la place qui leur est dévolue et de mener le combat qui est le leur. Les réseaux sociaux sont pour elles le moyen de montrer qu’elles profitent de l’émergence, qui pour elle est bien réelle, n’en déplaise à toutes ces familles qui n’arrivent toujours pas à vivre convenablement.
Le terrain de la contestation ayant été laissé vacant par les élites, celles-ci sont remplacées sur internet par des porte-paroles qui, de par la faiblesse de leur argumentaire, ne font qu’entériner le nivellement par le bas de notre société. On est loin de cette Côte d’Ivoire des années 70 où la contestation était portée par Zadi Zaourou ou encore par le professeur Memel-Fotê.
S’organiser pour résister
À l’instar du Balai Citoyen au Burkina, la société civile ivoirienne doit s’organiser et faire émerger un réel contre-pouvoir pour empêcher que des décisions injustes soient prises en son nom, mais sans elle. La société civile doit comprendre que face à la démission de ses représentants, elle doit prendre ses responsabilités en s’impliquant concrètement sur le terrain et en employant tous les moyens pour faire entendre sa voix. Revendiquer, s’informer, manifester, boycotter, s’organiser, marcher, proposer, débattre.
Les réseaux sociaux doivent être utilisés de manière efficace, ils doivent servir de caisse de résonance aux revendications, ils doivent aider à mutualiser les forces et ne doivent en aucun cas remplacer la contestation frontale. Un hashtag aussi viral soit-il ne fera jamais fléchir un gouvernement.
Face à un pouvoir qui frôle parfois l’autoritarisme, le risque est grand et les sacrifices à faire importants ; mais refuser de se confronter à ce pouvoir, refuser de se lever c’est accepter de subir demain les conséquences de notre léthargie.
« L’esclave qui n’assume pas sa révolte ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort, seule la lutte libère »
NJA
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