Crédit:

Thomas Sankara : Osez inventer l'avenir

En 1983 un jeune capitaine plein de fougue prend le pouvoir en Haute-Volta (Burkina Faso), bien décidé à relever son pays qui jusque-là, peinait à devenir grand. Thomas Sankara va en quatre ans (1983-1987) bousculer par sa pensée un continent sclérosé par une élite sans idée et sans vision. Véritable visionnaire, il sera élevé après sa mort en véritable martyr par une jeunesse africaine en manque de leader. Mais aujourd’hui que reste-t-il du puissant message capitaine burkinabè ? Que savons-nous réellement de son message ? Aujourd’hui 29 ans après sa mort il est important de nous rappeler du message du génial capitaine Thomas Sankara tant celui-ci reste d’actualité. Ses discours restent pour nous un moyen de nous imprégner de sa pensée. Ainsi le 4 octobre 1984 Thomas Sankara prononce un discours mémorable devant l’assemblée générale des Nations unies. Revenons ensemble sur un extrait de ce discours…

« Il n’y aura plus de gifle »

 Lorsqu’il se présente devant l’assemblée générale de l’ONU, Thomas Sankara se pose en porte-parole d’un continent fort et digne. Le début de son discours est une adresse à la jeune génération africaine : «  je parle au nom d’un peuple qui, sur la terre de ses ancêtres, a choisi dorénavant de s’affirmer et d’assumer son histoire, dans ses aspects positifs comme dans ses aspects négatifs, sans complexe aucun ». A travers cette phrase, il nous invite à accepter cette histoire glorieuse et en même temps tragique. Il nous invite à ne pas oublier notre responsabilité lors de la traite négrière, il nous invite à ne pas nier nos défaites pendant les guerres de colonisation, mais il nous invite aussi et surtout à ne pas nier notre résistance, à ne pas nier l’influence de notre science sur le reste du monde, mais aussi notre capacité à être acteur de notre histoire. Thomas Sankara avait compris que nous ne pouvions nous projeter dans l’avenir sans avoir accepté de manière lucide notre histoire. La pensée du capitaine ne se limite pas au continent africain. Conscient du caractère universel de sa révolution, il se pose aussi en porte-parole du monde des non-alignés. Ce monde des non-alignés baptisé tiers-monde partage un héritage, celui de la colonisation et doit faire face au même défi, celui de l’indépendance totale et vraie. Loin des indépendances formelles fustigées ici par Thomas Sankara, qui nous invite à comprendre que la grande vague de décolonisation des années 60 n’est qu’un leurre et que le combat pour l’indépendance reste d’actualité, il prône donc l’unité du tiers-monde afin de venir à bout de cette aliénation culturelle, économique et politique dont il fait référence dans son discours. Pour Thomas Sankara il faut que se lève une nouvelle race de tiers-mondiste qui refuse de tendre l’autre joue et de s’abaisser devant leurs maîtres d’antan et ainsi arracher une vraie indépendance et refuser comme il le dit d’être « l’arrière monde d’un occident repu ».

 « La bataille pour une pensée au service des masses déshéritées n’est pas vaine »

Dans la suite de son discours il fustige ce phénomène propre à l’Afrique qui consiste à chercher les solutions de son développement ailleurs. Pour Thomas Sankara, la solution est au contraire de se défaire de tous ces modèles de développement prônés par l’Occident et ses institutions qui depuis les indépendances n’ont fait qu’aggraver la situation. Nul ne peut penser un modèle pertinent et efficace s’il se tient loin des réalités de l’environnement qu’il étudie. Il ne peut y avoir de développement sans rupture totale avec tous ces modèles éloignés de nos réalités. Pour Thomas Sankara le salut de notre continent viendra de cette rupture. Notre capitaine s’en prend aussi à cette petite bourgeoisie africaine corrompue intellectuellement par la pensée occidentale dominante, qui refuse tout effort de réflexion et tout débat théorique rigoureux sur le devenir du continent. Il parle d’une élite africaine « consommatrice passive et lamentable » des dogmes énoncés par leurs maîtres de l’extérieur.

Pour Thomas Sankara les élites africaines doivent penser le continent, énoncer des principes et créer des modèles de développement en accord avec la réalité du continent. Elles doivent tourner le dos à ces modèles de pensée venus de l’extérieur dont les échecs ne sont plus à démontrer. Comme le dit Thomas Sankara « En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui, le monopole de la pensée, de l’imagination et de la créativité ». Le défi à relever pour la jeunesse africaine est de se réapproprier son environnement, de le comprendre, de l’étudier afin de pouvoir faire émerger des modèles de développement et de pensée cohérents et efficaces qui feront sortir notre continent de l’état de léthargie dans lequel il se trouve. Il nous faut retourner à notre patrimoine culturel, à notre histoire, à nos réalités, à nos échecs et à nos succès afin de donner de notre peuple une image fidèle : « Une image qui nous permette de réaliser des changements profonds de la situation sociale et politique, susceptibles de nous arracher à la domination et à l’exploitation étrangères qui livrent nos États à la seule perspective de la faillite ». L’idée de Thomas Sankara est de nous dire que nous avons les clés de notre réussite entre nos mains et que le devenir de notre continent ne dépend que de nous.

 « Nous encourageons l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide »

Lorsqu’en 1983 Thomas Sankara arrive au pouvoir, le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres du tiers monde, l’avenir de ce pays est compromis par une position géographique ingrate et une classe politique corrompue. C’est d’un pays à bout de souffle dont va hériter le capitaine. C’est ce constat que fait Thomas Sankara devant l’assemblée générale de l’ONU : « Dans le cas de l’ex Haute Volta, le processus était encore plus exemplaire. Nous étions la condensation magique, le raccourci de toutes les calamités qui ont fondu sur les pays dits « en voie de développement » ». Pourtant, comme le rappelle le capitaine, l’aide extérieure n’a cessé d’affluer vers son pays depuis son indépendance, mais cette aide est un échec.

L’échec de l’aide extérieure, pour Thomas Sankara, est dû aux élites dirigeantes passées qui : «  soit par naïveté, soit par égoïsme de classe, n’ont pas pu ou n’ont pas voulu maîtriser cet afflux extérieur, en saisir la portée et exprimer des exigences dans l’intérêt de notre peuple ». Thomas Sankara met en lumière une autre raison « l’aide au Sahel, à cause de son contenu et des mécanismes en place, n’est qu’une aide à la survie. Seuls, souligne-t-il, 30 pour cent de cette aide permet simplement au Sahel de vivre. Selon Jacques Giri, cette aide extérieure n’aurait d’autres buts que de continuer à développer les secteurs improductifs, imposant des charges intolérables à nos petits budgets, désorganisant nos campagnes, creusant les déficits de notre balance commerciale, accélérant notre endettement ». L’aide apportée aux pays en voie de développement cause donc plus de dégâts qu’elle n’en règle ; combinée à sa mauvaise gestion elle se transforme alors en véritable frein au développement de nos pays. Pour Thomas Sankara il nous faut donc refuser cette aide : « la politique d’assistance et d’aide n’a abouti qu’à nous désorganiser, à nous asservir, à nous déresponsabiliser dans notre espace économique, politique et culturel», et élaborer de nouvelles techniques et n’attendre qu’une seule aide : celle de nos bras et de notre intelligence. Véritable déclaration d’indépendance, le modèle énoncé par Thomas Sankara a pour objectif de trouver des solutions mieux adaptées et plus conformes à nos réalités tout en «  rejetant de manière abrupte et définitive toutes sortes de diktats extérieurs, pour créer ainsi les conditions d’une dignité à la hauteur de nos ambitions ».

Thomas Sankara reste aujourd’hui une figure incontournable de l’histoire africaine et un véritable modèle pour toute la jeunesse révolutionnaire africaine. Méditons donc sur sa pensée, analysons-la, actualisons-la et faisons en ressortir le meilleur afin que son message ne se perde pas dans les dédales de l’histoire.

La patrie ou la mort nous vaincrons.

 

Je suis Thomas Sankara

Nous sommes Thomas Sankara

Que l’Afrique retienne le nom de ses héros

NJA

 

Partagez

Auteur·e

njaone

Commentaires

Alli
Répondre

Très bel article. Le plus surprenant est que ces choses dites il ya plus d'une décennie reste encore d'actualité aujourd'hui et malheureusement la volonté de changer les choses n'arrive pas à atteindre les dirigeants politique. Serait il possible de avoir un article sur samory touré également?

TheLegend
Répondre

Merci! La fort du message de Thomas c'est son intemporalité
Merci pour la suggestion concernant Samory Touré en cours de reflexion!

Hamed LASSI
Répondre

Excellent article, c'est vraiment une belle mission de défendre l'Afrique...
il faut que ''Que l’Afrique retienne le nom de ses héros'' comme tu le dis si bien.
Merci beaucoup de nous éclairer NJA.